Cap Vert

Choisir son île au Cap-Vert

Choisir son île au Cap-Vert

Cap-Vert : entre vents, volcans et saudade, un archipel d’âmes et d’exils jeté sur l’Atlantique comme un chapelet de promesses. Ni tout à fait africain, ni pleinement lusophone, encore moins créole au sens figé, il échappe aux frontières comme aux clichés. Monde à part, brassé par les départs, bercé d’une mélancolie douce qui chante autant qu’elle console. On y parle créole cap-verdien, on y danse le funaná, on y pleure en chantant la morna. Dix îles, dont neuf habitées, comme autant de visages insaisissables. Reste la question, toujours ouverte : laquelle choisir ?

 

1

Santo Antão : pour les randonneurs rêveurs

C’est l’île que l’on garde dans le cœur longtemps après l’avoir quittée. Parce qu’elle ne ressemble à aucune autre. Parce que les sentiers suspendus entre océan et ravins y dessinent des paysages de roman. Parce qu’on y marche autant dans le vert que dans l’invisible. Forêts de brume, canyons abrupts, cultures en terrasses, villages suspendus aux reliefs, comme accrochés au bord du monde. Santo Antão est le paradis des randonneurs – mais pas que. On y vient aussi pour goûter le calme des vallées, parler longuement sur les places ombragées, sentir le parfum mielleux de la canne à sucre. Ici, la terre est généreuse. Le grogue, cet alcool de canne artisanal, y est distillé à flanc de montagne, et la cuisine – simple, copieuse, savoureuse – réconforte les âmes. Pas de plages de carte postale, certes, mais une île entière pour les âmes sensibles et les regards ouverts.

Gail Johnson / Adobe Stock

 

2

São Vicente : pour les esprits bohèmes et mélomanes

Il est des lieux où la musique suinte des murs. Mindelo en est sans doute l’un des plus beaux exemples. Cette ville coloniale un peu délavée, un peu décadente, tout à fait fascinante, est le berceau de la grande Cesária Évora. Dans ses ruelles pastel, l’écho de la morna n’a jamais cessé. Entre bars à rhum, salons feutrés et scènes improvisées, Mindelo vibre à toute heure, comme une vieille radio jamais éteinte. São Vicente, c’est l’île de l’art, de la vie nocturne, des conversations sans fin sur les marches. Une île de rencontres, d’intellectuels cap-verdiens, d’écrivains, de peintres, de musiciens. Les plages y sont présentes (Laginha, São Pedro), mais c’est la culture qui y est reine. Chaque mois de février, Mindelo devient le théâtre du plus flamboyant carnaval de tout l’archipel : une explosion de costumes, de rythmes et de satires, entre influences brésiliennes et traditions locales. Une transe joyeuse, poignante parfois, qui dit tout de l’âme cap-verdienne. Ici, l’inspiration affleure au détour de chaque porche, et les nuits ne finissent jamais tout à fait.

Peter Adams / Getty Images

 

3

Sal : pour les chercheurs d'horizons et d'épure

Nom court, beauté nue. Sal, c’est l’île des sables infinis, du soleil permanent, du bleu éclatant. Le vent y souffle presque toute l’année, balayant les plages comme des toiles vierges. Pas de reliefs vertigineux, pas de forêts luxuriantes – juste l’essentiel : du désert, de l’eau, du sel. C’est l’île la plus balnéaire du Cap-Vert, avec ses hébergements face à l’Atlantique, ses écoles de kitesurf et ses cocktails bien calibrés. On y pratique aussi la plongée, le surf, la planche à voile ou simplement l’art de marcher longtemps au bord de l’eau, en compagnie du vent. Sal cache aussi des trésors pour qui sait s’éloigner de Santa Maria : les salines de Pedra de Lume dans un cratère effondré, le port de Palmeira, la baignade dans le « Blue Eye » de Buracona. Une île où l’on cesse de courir, où l’on se laisse bercer par la rumeur de la mer.

Papuchalka / Kaelaimages / Adobe Stock

 

4

Boa Vista : pour les Robinson en quête de tranquillité absolue

Cousine de Sal, mais plus sauvage, plus grande et plus lointaine, Boa Vista est l’île des dunes, des plages vierges, des nuits sans lumière et des tortues marines. On y vient chercher la paix, le sable, l’horizon sans fin. Certains y trouvent aussi une sorte d’absolu : cette impression d’être seul au monde, et que ce monde vous suffit. Les villages y sont clairsemés, les routes peu asphaltées, l’ambiance infiniment douce. Tandis que les pêcheurs sortent leurs prises au lever du jour, les tortues gravissent la plage d’Ervatão pour enfouir leurs œufs et, parfois, tout au loin, une baleine fend l’horizon. Une île pour amateurs de slow travel, les pieds nus dans le sable et la tête dans les étoiles. Ici, la nature est souveraine et le silence profond. Les amoureux du large y trouvent mille manières de se laisser porter : nager, glisser, plonger, toujours à fleur d’océan.

Davidjancik / Adobe Stock

 

5

Fogo : pour les âmes volcaniques

Fogo est noire. Fogo est belle. Fogo est intense. Elle porte bien son nom : un cône majestueux de lave séchée, culminant à 2829 mètres, qui règne sur l’archipel comme un roi de cendres. Ici, la terre fume encore. La dernière éruption remonte à 2014 et les habitants de Chã das Caldeiras vivent toujours sur le cratère, entre courage et résilience. Mais Fogo n’est pas qu’un volcan. C’est aussi une île de vignobles, où l’on produit un vin rouge étonnant, charpenté, fruité, parfois capricieux. C’est une île de café, cultivé dans les hauteurs de Mosteiros. Une île de traditions fortes et de paysages lunaires. Fogo, c’est le Cap-Vert dramatique, brut. Une île qui imprime son rythme au pas de celui qui s’y aventure.

Ralf Weger / Adobe Stock

 

6

Brava : pour les derniers des poètes

Brava est l’île la moins accessible de l’archipel. Et cela suffit à la rendre mythique. Elle se mérite – pas d’aéroport, un ferry au départ de Fogo seulement, selon l’humeur des vents et des vagues. Mais ceux qui y parviennent parlent d’un jardin secret, perché sur l’Atlantique, où l’on cultive les fleurs, les silences et la poésie. Brava fut longtemps l’île des lettrés, des familles aisées parties à Boston ou à Lisbonne, mais revenues pour profiter de leurs vieux jours. On y lit encore de la poésie dans les écoles, on y fredonne des mornas tristes en regardant l’océan. Une île de l’intérieur, de l’intime, de la lenteur extrême. Pour voyageurs contemplatifs et collectionneurs d’îles rares. On dit que Brava ne se raconte pas, elle se chuchote.

LivetImages / Adobe Stock

 

7

Maio, Santiago, São Nicolau : pour voyageurs en quête de chemins oubliés

On les visite souvent lors d’un second voyage. Santiago est la plus africaine – c’est là que bat le cœur historique du Cap-Vert, dans la vieille ville de Cidade Velha, classée à l’Unesco. Mais Santiago, c’est aussi l’île la plus peuplée, la plus bigarrée, la plus terrienne. Une île de contrastes, de marchés sonores, de tambours effervescents, où l’histoire affleure à chaque détour de ruelle et où les parfums de goyave et de charbon se mêlent dans l’air chaud. São Nicolau est un condensé de Santo Antão en plus confidentiel, avec des reliefs superbes et des sentiers escarpés. Maio, quant à elle, c’est le désert doux, la tranquillité absolue, l’île sans artifice. Ces trois-là ne séduisent pas d’un regard. Elles demandent une forme d’abandon, une envie d’autre chose. Mais elles récompensent les curieux. Elles sont les soupirs entre deux mesures, les silences qui donnent sens à la mélodie. Des îles discrètes, de l’entre-deux.

Krisztián Tábori / Unsplash

 

Par

JÉRÔME CARTEGINI

 

Photographie de couverture : Romain GAILLARD / REA