Portugal

Madère, éternel printemps

Madère, éternel printemps

A mille kilomètres de l’Europe et à la latitude de Casablanca, ce jardin flottant au milieu de l’Atlantique respire la douceur portugaise et le chic britannique. Une île gourmande où la nature est généreuse et la vie aussi douce que l’air, riche d’une jeune génération parlant art, culture et écologie, soucieuse de préserver ce miraculeux patrimoine.

 

En se réfugiant par le hasard d’une tempête sur cette tête de volcan affleurant la surface de l’océan, le prince Henri le Navigateur faisait, en 1418, une sacrée découverte. Baigné de soleil toute l’année, arrosé de légères pluies bloquées dans leur élan transatlantique par le Pic Ruivo, l’archipel s’est rapidement révélé un pays de cocagne où le sucre de canne et le vin doux ne cessèrent de couler à flots. Ce ne sont pourtant pas les marins portugais, ni Christophe Colomb qui s’y maria, et pas seulement les enfants du pays Dos Pasos et Cristiano Ronaldo qui ont rendu l’archipel célèbre, mais bien les Anglais, grands voyageurs et éternels adorateurs du soleil. Après la Côte d’Azur, c’est sur cette île posée en travers de la trajectoire d’un Gulf Stream prodiguant climat subtropical et végétation débordante qu’ils décidèrent, dès le XIXe siècle, de passer leurs hivers. 

Boaventura à Madère

Hans Bernhard Huber/LAIF-REA

Madère en a gardé cette indicible british touch faite de manoirs cossus transformés en hôtels, de boutiques cosy et du salon du Reid’s, palace aristocratique où Winston Churchill et George Bernard Shaw avaient leurs habitudes. Elle n’a pas renié pour autant ses azulejos, ses maisonnettes pointues au toit de chaume ni ses rues pavées de calades typiquement portugaises. Un joli métissage, très palpable à Funchal, ancien port d'acclimatation des aristocrates voguant vers des colonies d'Inde ou d'Afrique. On y visite la kyrielle d’églises et de couvents où l’on cloîtrait les jeunes filles nobles de Lisbonne, mais aussi désormais des hôtels contemporains signés des plus grands architectes, un fort transformé en musée d’art moderne, des boutiques de jeunes designers voisinant l’exubérant marché aux fleurs.

marché à madère

Michael Amme/LAIF-REA

Des fleurs, il n’y a que ça ici. Camélias en février, azalées à la fin du printemps, amaryllis, jacarandas pleurant leurs pétales majorelle dans les rues, oiseaux de paradis symboles de l’île, daturas, terrasses de bananiers, de manguiers, de camphriers glissant doucement vers l'océan… Partout, le regard caresse des nappes de couleurs avant de ricocher sur les roches puis de plonger dans l’océan. Cette île aux dimensions modestes (22 kilomètres sur 58) concentre toutes les sensations. Et même le vertige ! Chaque balade devient acrobatique. Les téléphériques  s'envolent vers des pitons rocheux accrochés par les nuages, les routes escaladent des crêtes acérées, les escaliers dévalent des falaises jusqu'à l'eau émeraude…

Porto Santo à Madère

eugenesergeev/stock.adobe.com 

Sur ce maelström rocheux, la moindre terre disponible a été transformée en jardins suspendus et en cirques de cultures, grâce à l’ingénieux système des levadas, 1 400 kilomètres de fins canaux amenant la bienfaisante eau des montagnes vers les fermes. La plupart ont été transformées en chemins de randonnée où l’on marche en file indienne, attentif seulement au bruit du vent dans les feuilles et au panorama en cinémascope. Au bout de la balade, il y a toujours un point de vue d’où l’on regarde les paquebots entrer dans la baie, une terrasse où se remplir les yeux d’arcs-en-ciel et déguster dans l’air tiède l’un de ces vins de Madère dont Alexandre Dumas et Balzac étaient fous. Et pour ce soir ? Restaurant gastronomique, petite table typique ou bar branché de l'avenida Arriaga ?  La vie est décidemment bien douce à Madère.

 

Photographie de couverture : Getty Images/iStockphoto