Islande

Radio Voyageurs : 100% Islande

Radio Voyageurs : 100% Islande

Avec Jean-Pierre Chanial, journaliste, écrivain, grand voyageur, Michel-Yves Labbé, président de l’application Départ Demain, Alexandre Visinoni, spécialiste de l’Islande depuis douze ans à Voyageurs du Monde, Jacques-Marie Bardintzeff, volcanologue et enseignant à l'Université Paris Sud-Orsay.

 

 

Un boom touristique incroyable

Depuis quelques temps, l’Islande, une île de 103 000 km2, de 200 volcans et de 331 000 habitants, attire énormément les touristes; à tel point que Valérie Expert demande à Alexandre Visinoni si on peut encore y voyager à contre-courant. «Une question légitime puisqu’on est passé en moins de quinze ans de 300 000 à 2,2 millions de touristes par an ! », répond-il, surtout depuis les années 2010 et on ne sait pas où ça va nous mener ». Il souligne cependant qu’il s’agit d’une très grande île, plus grande que le Portugal, où l’on peut très vite se perdre.

Deux femmes au bord de l'eau en Islande

Oleh Slobodeniuk/Getty Images/iStockphoto

Jean-Pierre Chanial explique le boom touristique par la proximité : « 3h30 de la France  - et Icelandair qui a favorisé l’escale en Islande. On peut décider de rester un weekend ou une semaine avant de continuer sur les Etats-Unis où la compagnie a un très bon réseau ». Il enchaîne sur la coupe du monde de foot cette année à laquelle l’Islande participe pour la première fois : « Je ne vous raconte pas les soirées bière à la main devant les écrans géants à Reykjavik ! »

 

Une terre belle, jeune et volcanique

Alexandre Visinoni évoque la diversité des lumières totalement différentes en fonction des saisons : « En été, le champ des possibles est très large avec l’ouverture des pistes qui permet d’accéder aux terres centrales ». Il recommande également le mois de septembre, un petit peu boudé, et met en garde sur la météo qui peut surprendre d’une minute à l’autre : « Ce n’est pas parce qu’on part en été qu’on aura du beau temps ». Michel-Yves Labbé en profite pour avertir les auditeurs : « Il faut savoir que jusqu’à fin juin, pour ne pas abîmer les pistes, on les laisse dégeler tranquillement ». Par contre, il ajoute que c’est un mois formidable pour faire tout le tour de l’Islande, « un circuit absolument magique ».

eau montagne et glace en Islande

Katy Jones/Getty Images/iStockphoto

Jacques-Marie Bardintzeff vit une histoire d’amour avec l’Islande : « C’est un peu le paradis. Toute l’Islande est formée par des volcans relativement jeunes. Elle s’est formée il y a moins de quinze millions d’années, et toute la partie centrale, active, a moins de trois millions d’années. Il y a des geysers, ça « glougloute »… Même s’il n’y pas d’éruption, on verra quelque chose, on entendra du bruit, on sentira des odeurs… » Il ajoute qu’au centre du pays, « la terre s’ouvre littéralement ». D’ailleurs, c’est un des seuls pays au monde qui grandit d’environ deux cm par an.

Valérie Expert revient sur la création de l’Islande. Jacques-Marie Bardintzeff résume : « L’Islande est sur la dorsale médio-atlantique, une gigantesque chaîne de volcans sous-marins, actifs et qui émergent au niveau de l’Islande. Du magma sort aussi au niveau de l’Islande d’un hot spot toutes les quelques années, tantôt à un endroit, tantôt à un autre. Comme il y a également beaucoup d’eau en Islande, de pluie, de sources, elles se réchauffent au niveau du magma, se minéralisent, forment des sources thermo-minérales et quand il y a des siphons, cela produit des geysers, qui signifie « jaillir » en islandais ».

« Pour ma part, en tant qu’agent de voyage, j’ai donné côté volcans ! Je n’attends pas la prochaine éruption avec impatience », précise-t-il mi-figue mi-raisin… Jacques-Marie Bardintzeff rappelle l’événement de 2010 : «une conjonction extraordinaire entre une éruption d’un volcan assez violente et surtout une météo très stable, un anticyclone basé au nord »

Jean-Pierre Chanial diverge sur l’Islande, terre de rencontres et sur le fait que l’ile se situe exactement sur la faille qui sépare l’Europe de l’Amérique : « Ce n’est pas un hasard si les deux joueurs d’échec Fischer et Spassky s’y sont rencontrés en 1976 puis Reagan et Gorbatchev dans les années 85-90. La table de la rencontre était installée juste sur la faille ! »

 

Les circuits et les « plaisirs » de la météo 

Alexandre Visinoni commence par Reykjavik, « dont l’intérêt est limité sauf en soirée et le weekend. C’est un peu dans la culture d’être calme pendant la semaine puis de se lâcher en fin de semaine ». Jean-Pierre Chanial parle de la fameuse règle de « celui qui ne boit pas et raméne donc les autres à la maison », une règle unanimement respectée. Alexandre Visinoni enchaîne sur le fait que tout est accessible en Islande : les volcans, les cascades, les geysers, les glaciers, les plages de sable volcanique : « On a tout très vite, une nature à portée de main et bien évidemment, la voiture est le meilleur moyen de se déplacer ». « Sans embouteillages », plaisante Michel-Yves Labbé.

Joli paysage islandais

Getty Images

Jacques-Marie Bardintzeff révèles les incontournables géologiques : le Strokur, près de Reykjavik, un geyser qui rentre en explosion toutes les dix-quinze minutes, « c’est un cylindre d’une vingtaine de mètres de profondeur rempli d’une eau bleue opalescente. On attend, on voit des bulles qui se forment puis ça explose… C’est le premier stop, le premier contact. Puis on fait le tour du pays. A la bonne période, on s’aventure dans le désert central pour voir les volcans mythiques islandais comme l’Askja, l’Hekla et le Krafla.

« Le voyage au centre de la terre de Jules Verne est-il possible ? », interroge Valérie Expert. « On peut descendre dans certains cratères bien sûr, répond Jacques-Marie Bardintzeff, d’autres sont remplis de lacs dont on peut en faire le tour, des lacs bleus entourés d’un liseré blanc comme neige puis d’une terre plutôt rouge. On pense que c’est le drapeau de la France mais c’est aussi celui de l’Islande ». Il fait référence ensuite à l’Askja qui, après une éruption majeure en 1875, créa une immense caldeira, un cratère de cinq km de diamètre avec un lac souvent gelé. Et à côté, un petit cratère, le Viti qui signifie l’enfer en islandais, dont l’eau est à 40 degrés. On marche dans la neige, on se baigne, on voit devant soi cette immense caldeira, c’est une aventure en contact avec la terre ».

plage nier en islande

Getty Images/iStockphoto

 Michel-Yves Labbé revient sur le volcan de Jules Verne - qui malgré la précision et l’extrême documentation de ses écrits n’est jamais allé en Islande ! - : « On le voit depuis Reykjavik. Il est sur la péninsule en face. Moi, j’aime l’Islande en tant que pays, pour ses paysages magnifiques comme le lac Myvatn… On est sur la lune ! J’aime aussi ces espaces ravinés par les glaciers, les fjords avec des petites maisons du bout du monde, des ambiances très boréales » Par contre, il aime moins les Islandais, « toujours un peu au bord de la dépression », comme la météo ! « Certes, c’est un pays magnifique, un des plus spectaculaires d’Europe avec la Norvège, mais à condition qu’il fasse beau ! »

Pourtant, pour Jean-Pierre Chanial parle du plaisir de la météo, du temps qui change tous les quarts d’heure. Il suggère une expérience : se retirer sur une plaine de cendres ou dans un champ de lave ou encore au bord de la mer : « Là, vous vous posez pendant une heure et je vous promets que vous allez voir défiler le spectacle de la nature au grand complet, l’air est transparent, cristallin, d’une pureté totale. C’est l’été, les macareux, les mouettes, tout le monde danse dans le ciel bleu. Un nuage arrive et c’est le brouillard total. Vous êtes perdu. Puis c’est la pluie, glacée et un quart d’heure après, le printemps revient, la nature revit ». Alexandre Visinoni complimente Jean-Pierre Chanial pour son excellent résumé et parle de dimension contemplative, photogénique de l’Islande. Voyageurs du Monde propose d’ailleurs la possibilité de se marier en Islande, à Budir dans le Snaefellsnes, point de départ du livre de Jules Verne, dans une charmante chapelle en bois noir qui fait face à l’océan, « dans un cadre idyllique et un hébergement historique, l’hôtel Budir, l’un des rares bons hôtels que l’on peut trouver dans la campagne islandaise », précise Alexande Visinoni.

  

Un pays dont on tombe amoureux

Valérie Expert veut en savoir plus sur la spécificité de cette île volcanique par rapport aux autres. Jacques-Marie Bardintzeff revient sur le temps, la météo qui érode les roches, les transforme et donne des reliefs et des couleurs uniques. « On dit que ce sont des volcans boucliers car ils ressemblent aux boucliers des Vikings, mais ils peuvent être entaillés par des fjords, des vallées glaciales, fluviales, des cascades, des sculptures minérales… »

Magnifiques glaciers d'Islande

Veronica Bogaerts/Getty Images

Et puis, il y a aussi les fjords de la région du nord-ouest dans la région du Vestfiroir, des falaises de 300 à 400 m qui tombent à pic dans l’océan à la pointe la plus occidentale de l’Europe. « On y trouve des petits villages de pêcheurs et des initiatives d’hébergement intéressantes - dans les régions nord et nord-est aussi - comme dans d’anciens bâtiments de pêche ou d’anciennes « vraies » fermes, avec du mobilier d’inspiration de design scandinave. C’est dans ces endroits les moins touristiques que l’on trouve les plus belles nouveautés », explique Alexandre Visinoni.

Michel-Yves Labbé propose aussi aux auditeurs d’aller faire un tour à une quarantaine de minutes au nord de Reykjavik dans une très belle plaine « qui fait un peu penser à la Suède au niveau des paysages, un bel endroit paisible pour séjourner et faire des excursions en étoiles ». Il parle aussi d’une autre caractéristique magique de l’Islande : les chevaux, « ces petits chevaux islandais partout dans les prairies ». Alexandre Visinoni, lui, évoque les orques qui reviennent chaque année dans le nord-ouest pour chasser les bancs de harengs qui se rapprochent des côtes, puis le passage des grands cétacés en été.

 

Prendre son temps 

Selon Valérie Expert, on veut toujours en faire trop en Islande. Alexandre Visinoni confirme : « Il y a cette histoire de tour d’Islande qui nous colle à la peau, ça vient de cette fameuse route qui fait le tour de l’île et que les touristes font à un rythme effréné, comme si l’idée était de clore cette boucle en un minimum de temps. Nous limitons pour autre chose, notamment des séjours dans une sélection de fermes auberges. On renforce des partenariats avec des vrais fermiers pour des séjours de quatre-cinq nuits pour prendre le temps de rester à la même adresse, faire des rencontres et rayonner à la journée ». Cependant, Michel-Yves Labbé se permet d’avertir les auditeurs : « Ne vous attendez pas à un Bed & Breakfast cosy des Costwolds en Angleterre mais plutôt à la chambre du fils de la famille parti faire ses études à Glasgow ! C’est pour ça que Voyageurs du Monde essaye de trouver de vraies adresses et non pas des succédanés de Bed & Breakfast ».

homme qui prend son temps en Islande

Oleh Slobodeniuk/Getty Images

Même s’il s’agit d’un pays où il faut prendre son temps, « on peut aussi envisager d’y passer un weekend en se basant à Reykjavik, en allant au geyser Strokur, se baigner dans le Blue lagoon; voir l’Hekla, faire du thermalisme », conseille Jacques-Marie Bardintzeff.

 

Danger or not danger

Faut-il avoir peur d’éventuelles éruptions volcaniques ? « Il y a un observatoire islandais qui peut interdire l’accès à certaines régions », rassure Jacques-Marie Bardintzeff qui recommande, pour les amateurs, un circuit volcanique d’été : « De Reykjavik, on prend un avion pour Akureyri et on revient par le désert central avec le Krafla au nord, le lac Myvatn où il y a pas mal de fumerolles qui déposent des minéraux jaunes de souffre… On est un peu dans le soupirail de l’enfer ! Ensuite, on peut rejoindre l’Askja puis l’helga. Une partie des volcans va vers les glaciers du sud comme le fameux volcan qui a fait parler de lui en 2010 ». Il mentionne aussi l’énorme Vatnajökull, un glacier grand comme la Corse de deux km d’épaisseur qui recouvre six volcans à peine émergents et qui sont en pleine éruption. « Le feu sous la glace », conclut Valérie Expert !

 

L’hébergement

« Aujourd’hui, Reykjavik est une vraie pépinière, explique Alexandre Visinoni, Marriott va ouvrir un hôtel d’ici peu, Hilton a ouvert un troisième hôtel dans une ancienne ambassade, il y a aussi des solutions d’appartements-hôtels et de bons trois-quatre étoiles. Il faut bien palier à ces voyageurs en transit vers les Etats-Unis ou l’Europe ! » Dans la campagne, il mentionne de nouveau les hôtels historiques comme celui de  Budir et quelques autres sur les côtes sud et est. « Mais pour avoir une chambre dans ces hôtels, il faut préparer son voyage très longtemps à l’avance, recommande Michel-Yves Labbé, carrément l’année d’avant ! »

 

La carte postale de Michel-Yves Labbé : un comptoir français en Islande 

C’est d’ailleurs vers l’est de l’Islande que Michel-Yves Labbé emmène les auditeurs… tout en commençant par le carnaval de Dunkerque il y a deux siècles. « Après plusieurs semaines d’abus, les jeunes carnavaleux sont embarqués sur les bateaux pour « la pêche à Islande » comme on disait à l’époque », précise Michel-Yves Labbé, ils partent pour six mois pêcher la morue, 5000 pêcheurs sont en mer dans 120 goélettes ». Les naufrages et les maladies sont nombreux. Il faut donc créer des postes à terre. Un village est fondé dans un fjord tout à l’est de l’île, Faskrudsfjordur, littéralement, le village des Français, bien protégé par deux îles qu’il fallait contourner. Michel-Yves Labbé poursuit : « Dans les années 20, la pêche à la morue change, poursuit Michel-Yves Labbé, les bateaux deviennent motorisés, et la pêche intensive, les Américains conservent le poisson dans de la glace, les Dunkerquois dans le sel. La glace va tuer le sel et le dernier bateau partira de Dunkerque vers l’Islande en 1934 ».

FossHotel Austfirdir - Faskrudsfjordur - Islande

Eyjolfur Thoroddsen/Ao Thor/FossHotel Austfirdir

Puis Michel-Yves Labbé décrit Faskrudsfjordur : ses trois rues parallèles aux noms français à flanc de coteaux, ses maisons aux couleurs vives… « Personne ne parle français mais on perpétue la tradition de ce comptoir français d’Islande ». L’hôpital et la maison du docteur furent abandonnés quand les bateaux n’accostèrent plus… jusqu’en 2008 où une chaîne hôtelière acquiert les deux bâtiments et met six ans à en faire un hôtel splendide, le Fosshotel Eastfjords, « un endroit magique bâti des deux côtés de la petite route et lié par un souterrain en forme de coque de bateau avec des projections de mer déchaînée et les noms des marins français disparus en mer. Au rez-de-chaussée de l’ancien hôpital, un musée raconte l’histoire de ce comptoir français perdu dans les fjords. Réservez très longtemps à l’avance, vous allez adorer ! »